Blondie prend l'avion
Mais pas de panique, prévoyante et organisée, j'avais pensé à m'équiper pour pallier à tous les risques d'une explosion lacrymale, qu'elle soit due à Bill ou à d'autres. En effet, suivant les conseils du meilleur ami qui avait anticipé une déshydratation aigüe de mon corps engendrée par les chutes du Niagara qui couleraient inévitablement de mes yeux, je m'étais mis à boire (de l'eau, comprenons-nous bien). Mais la blondeur dudit meilleur ami l'avait empêché de me préciser les effets biologiques que cela entrainerait et il n'avait pas non plus suffisamment explicité la chose pour que mon cerveau puisse faire le lien avec la difficulté à trouver les lieux d'aisance pour une blonde dans un boeing 747.
Mais en ce jour de grand chamboulement dans ma vie, le Dieu de la Blondeur avait décidé d'être sympathique envers ma personne, d'écouter mes prières pas du tout désespérées de fille en fleur hystérique, et m'avait ainsi attribué la meilleure place dans l'avion : au dernier rang, pile au milieu, juste à côté des toilettes, entre une brune somniphérée qui dormait déjà et un brun qui s'était mis dans l'esprit de prier...
Le décollage à peine amorcé, j'appliquai ma crème hydratante sur le visage (la déshydratation menaçait) et je me concentrai pour choisir sur mon écran une comédie pas du tout nunuche, pas du tout je-pleure-à-la-fin-quand-ils-s'embrassent. Il fallut au moins 5 minutes à mon cerveau de blonde pour comprendre que celui-ci ne fonctionnait pas (l'écran pas mon cerveau). Je m'empressai alors d'attirer l'attention du stewart lui-même blond (non je ne suis pas partie avec Blondie Airlines) sur ma personne, et celui-ci me répondit que non c'était cassé, que c'était dommage il n'y avait plus aucune place de libre dans l'avion, que oui j'avais l'air sympathique, mais qu'il ne pouvait rien y faire, que je devais rester ici à cette place même sans écran, sans film nunuche, pendant 7h33. J'étais condamnée à ruminer mes mauvaises pensées et à détester toutes les personnes dont l'écran fonctionnait, c'est-à-dire toutes les personnes présentes dans l'avion. Mais c'était sans compter sur l'aide de mon voisin brun qui, afin de me distraire sûrement pendant ces 7h et quelque de vol, avait décidé d'agripper le siège devant lui à chaque zone de turbulences que nous traversions, pendant que la somniphérée d'à-côté était toujours en compagnie du marchand de sommeil.
Il fallait que cela cesse ! Je n'en pouvais plus d'accumuler autant de caractéristiques qui constituent dans la société française actuelle d'aussi grands handicaps : un papa alsacien, une maman flamande, une blondeur naturelle (intérieure et extérieure), une peau de blonde (qui ne bronze pas mais qui rougit), une capacité d'utilisation de la main gauche surdéveloppée par rapport à la main droite et une aptitude illimitée à l'impatience et la susceptibilité. Le Dieu de la Blondeur, (Blondie's God maintenant qu'on est au milieu de l'Atlantique ; BG quand nous serons plus intimes) avait du rencontrer le jour de ma conception une cigogne susceptible, un flamand rose fleur bleue, un âne gaucher et une écrevisse têtue, mixer le tout dans son robot Rowenta™, laisser reposer quelques jours au frigidaire dans un tupperware™ rose, et enfin déposer le tout dans un couffin. Il me fallait faire éclater au grand jour la vérité et laisser mes capacités intellectuelles insoupçonnées faire surface...Le jour du grand chamboulement de ma vie était arrivé... j'ai laissé la cigogne têtue et le flamand rose fleur bleue à la maison, la soeurette chatain-clair-mais-à-reflet-blond-l'été-mais-avec-tout-de-même-un-cerveau-de-brune, le meilleur ami blond, le meilleur ami fourbe, les jet-setteurs du lycée, les choux et leur lapin, les Spice girls fan de Victoria's Secret, ...et surtout le charmeur aux yeux bleus...et j'ai embarqué mes cinquante kilos et les cinquante kilos de bagage qui les accompagnaient dans un avion à destination du pays du burger en folie pour un stage de 8 mois dans un cabinet d'avocat.